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« Il y a un aspect imagique et fascinant dans l’acte d’imprimer », David Audibert


Abécédaire avant la lettre, en cours, 2020.
Abécédaire avant la lettre, en cours, 2020.

David Audibert est né à Apt en 1978. Il travaille à Reillanne comme graveur-estampeur dans l’atelier Grafikas, où il est membre du collectif L’Œil du largue.


Comment décrivez-vous votre pratique artistique ?


Le graveur travaille d’abord dans la matière, en creusant, grattant, griffant, ponçant. Il y a une dimension artisanale forte, des gestes archaïques qui me portent. J’utilise le mot « estampage » pour désigner toutes les expérimentations résultant de l’acte d’impression au sens large et combinant images, lettres, mots, mais aussi textures, gestes, couleurs. Pour moi, « estampeur » c’est presque comme « peintre ». Ça veut dire aussi « escroc, enfumeur » en argot...


Quels matériaux choisissez-vous ?

Pour la gravure, n’importe quel support plat qui peut recevoir de l’encre fonctionne. Le support s’appelle une matrice. Traditionnellement, c’est du poirier, mais on utilise souvent du contreplaqué de bricolage, ou du contreplaqué japonais. On creuse le bois avec des gouges et des burins. Les encres offset ou typo, un peu déclassées, sont récupérées dans des imprimeries. Cela permet de s’équiper simplement et d’être vite autonomes pour s’approprier les outils, inventer et diffuser des images.


Quels sont vos gestes et procédés de création ?

Je grave une image en bas-relief. Puis il y a tout un travail d’encrage et d’impression, de tirage des épreuves, de choix des couleurs, des encres et du papier. Pour imprimer, on peut utiliser une presse en fonte qui pèse plusieurs centaines de kilos, ou bien le dos d’une cuillère à soupe – à la japonaise. La presse permet d’écraser le papier sur la matrice pour qu’il aille chercher l’encre, selon le principe du tampon. C’est un peu une avancée à l’aveugle car on ne sait pas vraiment comment la gravure va se révéler un fois imprimée. Il y a un aspect imagique et fascinant dans l’acte d’imprimer, quelque chose de l’ordre de l’apparition. Les intentions premières deviennent souvent surprises et accidents.


Parlez-nous de votre travail en cours.

Ce projet a commencé pendant le premier confinement. C’était un peu comme de la gravure automatique, sans intention précise, des rêveries éveillées. Je voulais travailler des petits formats de manière rapide, capturer des idées fugaces. J’ai ensuite associé des lettres aux gravures et c’est comme ça que l’idée d’abécédaire est apparue. Le titre Abécédaire avant la lettre reprend un ancien terme d’imprimerie, « avant la lettre », qui qualifie l’épreuve d'une estampe réalisée avant l’impression du texte qui doit l’accompagner. C’est aussi une façon de désigner de manière désuète une production d’avant-garde.

J’essaye de jouer avec les liens entre une image et une lettre. Il y a trois éléments : la gravure, la lettre, et cet espace infini et invisible entre les deux, le blanc. C’est parfois littéral, parfois hermétique, parfois les deux. La lettre est aussi un élément plastique, une forme pure et une couleur. J’invite le spectateur à trouver lui-même des interprétations, à observer des rapports, à imaginer des scénarios, à entrer dans une rêverie. Il y a une narration aléatoire qui se construit d’une lettre à l’autre et dans la succession des gravures. C’est un abécédaire qui propose une série d’« in-définitions » et dont la règle du jeu s’invente et se modifie tout au long de la création.




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